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Photo du rédacteurPauline Hennebert

La fin des colliers de dressage ou "la transition éducative"

La proposition de loi

Vous avez sans doute vu passer sur les réseaux la proposition de loi votée à l’assemblée nationale cette semaine, qui stipule ceci :

[Sont interdits: ] « 1° L’utilisation sur un animal de compagnie de tout dispositif à décharge électrique, étrangleur sans boucle d’arrêt ou à pointes. « 2° La vente de tout dispositif à décharge électrique, étrangleur sans boucle d’arrêt ou à pointes. « II. – Les dispositions du I sont précisées par décret. « III. – Le non‑respect des dispositions du I est sanctionné d’une contravention de quatrième classe. »

On peut dire qu’elle aura fait couler beaucoup d’encre, puisqu’elle force la remise en question de tout un pan du monde animal et que les posts sur les réseaux sociaux sont légion, qu’on soit pour ou contre. Cette grande avancée pour le bien-être animal est une véritable révolution dans les pratiques de la filière canine.

Cette proposition de loi doit encore être votée au Sénat et n’entrerait en vigueur qu’à partir du 1er janvier 2024. Des lois similaires ont déjà été adoptées par le Danemark, l’Australie, l’Allemagne, la Suisse, l’Autriche, la Slovénie, l’Angleterre, la Finlande, la Suède, le Pays de Galles, Québec, la Norvège ou encore l’Ecosse ainsi que récemment par la Belgique.

La condition animale et la compréhension de l’individu

Le bien-être animal est de plus en plus pris en compte et cette loi s’inscrit sans surprise dans cette mouvance. Le centre national de référence pour le bien‑être animal (CNRBEA) est récemment venu confirmer que « les colliers à pointes et les colliers électriques sont explicitement cités comme causes de souffrances inutiles, déjà par ailleurs interdits dans d’autres pays ».

Que ce soit les particuliers ou les professionnels du monde canin, on observe depuis déjà longtemps un changement des mentalités. L’interdiction des pratiques et dispositifs générant de la souffrance animale est soutenue par une large majorité des Français d’après plusieurs sondages de l’IFOP (2022).


L’émergence des méthodes positives, l’affirmation d’un plus grand sens éthique, l’augmentation des nombreuses études éthologiques ( = la science qui étudie les comportements animaux) mettent clairement en avant une volonté humaine de remettre le chien à sa véritable place d’individu sentient et sensible. L'importance accrue accordée au bien-être des chiens, de manière générale, a conduit à la remise en question de nombreuses techniques et outils de dressage utilisant des moyens aversifs

L’éducation du chien

Depuis plusieurs années, un rapport de force malsain s’est créée entre l’humain et le chien. Ces outils cités dans la proposition de loi ont pour objectif de contrôler “la bête” et non de comprendre la sensibilité extrême de cet animal si doué pour l’apprentissage. Certains éducateurs canins, adeptes de ces outils, justifient leur utilisation pour des cas particuliers, au vu des comportements à risques voire dangereux que peuvent avoir certains chiens.

De plus, l’utilisation de ces colliers est reconnue aujourd’hui comme une méthode de dressage négative et punitive, dont les risques de dommages physiques sur le chien sont nombreux : brûlures, blessures, douleurs chroniques, lésions aux cervicales ou thyroïdiennes, affections dermatologiques, augmentation de la pression intraoculaire et intracrânienne, écrasement de la trachée, paralysie du nerf laryngé, arthrose dégénérative…

Ces colliers génèrent également des dommages psychiques (peur, anxiété, stress important) qui peuvent être à l’origine de problèmes de comportement chez l’animal pouvant le rendre agressif, voire mordeur… et ils ne permettent en aucun cas d’améliorer son comportement.

A l’inverse, de nombreuses études démontrent les bénéfices d’une méthode positive, respectueuse de l’animal et ses besoins. De nombreux professionnels n’ont d’ailleurs jamais eu recours à ces outils et ont pourtant d’excellent résultats dans l’éducation et la rééducation de chiens.


Nos chiens méritent amplement que l'on se penche sur nos pratiques et sur le regard qu'on leur porte.

La position de Chien En Mouvement

Notre association d'éducateurs comportementalistes se réjouit de cette décision et se tient prête auprès des propriétaires et professionnels souhaitant se former, s'interroger sur des changements de pratiques. Cette transition éducative est l'occasion de mettre à jour ses connaissances et de faire son propre examen de conscience pour reconsidérer les pratiques éducatives dans le milieu canin. Il ne faut pas avoir peur de ce changement qui peut paraître brutal ou insurmontable pour certains; aujourd'hui l'éthologie, les méthodes de conditionnement basées pour le renforcement positif sont maîtrisées et pratiquées par de nombreux professionnels de l'éducation canine.


Notre réseau Chien En Mouvement regroupe des professionnel·les de l'éducation et du comportement dont la pratique éthique refuse l'utilisation de ces outils de coercition. Nous étions déjà dans cette démarche, nous tenons compte des émotions de nos chiens et nous arrivons à des résultats avec des chiens compliqués même sans ses outils! Un autre monde est possible pour nos chiens et nous serons là pour vous accompagner dans cette meilleure compréhension mutuelle.

Les cas concrets

Récemment, plusieurs membres de Chien En Mouvement ont signé un partenariat avec La SPA. Cette institution du sauvetage animal avait déjà pris la décision de stopper l’utilisation des méthodes aversives dans ses locaux, supprimant les outils et méthodes infligeant de la peur, du stress ou de la douleur physique à ses pensionnaires. Si une institution vieille de presque 200 ans est capable de remise en question et de changement, tout le monde le peut!

Que ce soit un malinois de 8 ans ayant déjà mordu d’autres congénères, un border de 5 ans qui a mordu à plusieurs reprises des cyclistes ou encore un jeune cane corso ne supportant pas les manipulations, TOUS ont pu retrouver une vie normale via un suivi avec un éducateur en positif!


Que le changement soit positif !

Toute la filière canine est concernée par cette avancée majeure : de l'éleveur aux professionnels de l'éducation canine, aux soigneur dans les refuges, aux vétérinaires… Que cette période de changement ne soit pas synonyme de peur, mais plutôt vue comme une opportunité d’amélioration et de remise en question. Notre priorité restera toujours la relation humain-chien et nous œuvrons au quotidien pour une meilleure communication inter-espèce. Si vous rencontrez des difficultés, en tant que professionnel·le ou particulier, nous vous invitons à nous contacter et nous trouverons ensemble des solutions.

Le mot de la fin

Nous espérons que le Sénat suivra la décision de l’Assemblée Nationale afin de mieux respecter la loi signée en 1996 par la France qui stipule qu’« Aucun animal de compagnie ne doit être dressé d’une façon qui porte préjudice à sa santé et à son bien‑être, notamment en le forçant à dépasser ses capacités ou sa force naturelles ou en utilisant des moyens artificiels qui provoquent des blessures ou d’inutiles douleurs, souffrances ou angoisses”. Que nous donnions de l’importance non pas uniquement au résultat, mais également à la manière dont nous éduquons le chien.

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